Le masque facial deviendrait-il un accessoire de mode après cette crise sanitaire ?

 

 

Bien avant cette pandémie de coronavirus, les créateurs se sont intéressés aux masques. A l'époque, il n'était pas question pour eux d'évoquer la maladie : leurs créations, toujours très esthétiques, étant le plus souvent un symbole de protection.  On parlera ici de Ludovic Winderstan,( designer Français) qui  a été inspiré par les images sombres d’un monde en dérive pour sa première collection couture Noire. Pour présenter la collection, chaque mannequin portait un masque entièrement brodés de cristaux en référence aux protections que nous portons pour supporter le monde.

Ou encore La maison On Aura Tout Vu qui a souvent intégré des masques recouvrant partiellement ou totalement le visage dans ses collections. "A la base protection (masque chirurgical, masque à gaz, masque de plongée, cagoule ou visière), ces objets utiles deviennent ornements de visage. Il  témoigne d’un message de paix, de non violence et de protection, dédié à la mémoire des victimes innocentes par exemple.

On a également La faune qui utilise depuis des siècles des protections naturelles notamment par les couleurs saturées qu’arborent certaines espèces d’animaux pour se protéger des prédateurs mais aussi par des carapaces de préservation, dont les masques de sa collectioncouture hiver 2017-2018  sont la représentation. Un masque devenu symbole d’une protection de l’être envers le milieu extérieur, parfois hostile tant l’humain l’a lui-même dégradé.

Les masques crânes ont été créés pour la collection homme automne-hiver 2017. Ils sont une inspiration du film Mad Max. Ils sont le fil conducteur de la collection Squadsveltlana  Braun permettant de créer l’illusion d’une armée sur le podium, ainsi qu’un climat post-apocalyptique.

 

Obligatoires dans les transports et les lieux publics, vivement conseillés partout ailleurs, les masques sont au centre de l’attention actuellement. Nombreux sont ceux qui veulent s’en procurer pour pouvoir sortir en toute sécurité. A l’instar de l’éventail, ou du chapeau ou même de la cravate, le masque deviendra –t-il l’accessoire de mode hyper tendance après la crise ?

 

La pratique du port du masque va s’imposer dans le monde  comme elle l’ est déjà  en Asie, même s’il y a des résistances. Pourtant, le pas à franchir pour en faire un objet de mode est grand. Le sociologue Frédéric Godart est déjà très surpris de la façon dont il s’est installé dans nos vies en deux mois. La sémiologie du masque s’est complètement inversée. Auparavant, celui qui portait un masque était une personne dangereuse. Aujourd’hui, le porteur de masque est sain, il a une pratique saine. Il envoie même un message de solidarité avec son masque, il se montre averti du danger, veut être utile à la société en ne tombant pas malade… Ce changement est spectaculairement rapide, et va rester un cas d’école. Jamais un accessoire n’avait connu un retournement aussi fort. Une autre nouvelle dimension du masque que nous pouvons noter avec surprise est son mode de fabrication. Alors que le gouvernement peinait à s’en procurer, les populations se sont  décidés d’en fabriquer eux-mêmes.

Beaucoup de marques qui proposaient des masques de protection ont été par le DIY, elles sont eu aussi un peu peur d’être taxées d’opportunistes si elles proposaient encore des masques. Du point de vue de beaucoup de marques, l’objet va rester très perturbant en ce sens que dans la société actuelle, on n’aime pas les contraintes. Il serait donc difficile de trouver du plaisir à porter un masque.

 

Pour l’instant, les groupes de luxe ayant annoncé se lancer dans la production de masques contre le coronavirus l’ont fait dans un but de santé publique et non avec un objectif stylistique et encore moins de profit (à part en termes d’image…). Selon les sociologues le masque restera un objet très chargé de sens vis-à-vis du contexte de son apparition. Le chapeau peut avoir une fonction détournée qui permet à ses porteurs de se démarquer. Pour le masque, l’essence même de l’objet reste son utilité sanitaire. Se démarquer sera difficile.  Se cacher le visage est très inhabituel dans la mode. Il y a eu les voilettes, très à la mode à la fin du XIXe siècle et au début du 20e, qui servaient à se protéger de la lumière ou de la poussière mais qu’on ne voit plus guère que lors de certains mariages.

 

Assigné à un usage sanitaire, boudé par les marques, absent de l’histoire de la mode… Le masque va avoir du mal à venir côtoyer les écharpes, les parapluies et les casquettes. A moins que la génération Z ne s’en mêle. (Il y a déjà sur  YouTube des tutos pour maquiller son masque, pour faire une sorte de trompe-l’œil). Le masque sera-t-il accepté comme accessoire de mode et de luxe ? Sans doute y aura-t-il différentes phases et des messages différents, comme pour la jupe qui a porté et porte encore les messages contradictoires de libération des femmes et d’asservissement au patriarcat ?

 Miss AKOUVI